Garantie de parfait achèvement et responsabilité contractuelle de l’entrepreneur

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28/04/2021
Civil - Responsabilité
Affaires - Assurance

Une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai de un an prévu à l'article 1792-6 du Code civil, ne peut suppléer à l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception. En même temps, manque à son devoir d'information et de conseil, l’entrepreneur en charge de la pose d’un parquet si ce dernier s’avère inadapté et se dégrade anormalement vite, même si le choix du modèle est le fait exclusif du maître d’ouvrage.
 
Faits et solution

En l’espèce, la société Courbevoie, maître d’ouvrage, confie la fabrication des sols et des parquets d’un futur immeuble à la société SMS, l’entrepreneur assuré auprès de la SMABTP.

Postérieurement à la réception, prononcée le 6 novembre 2014, la société Courbevoie, assignée en réparation par des acquéreurs en l'état futur d'achèvement, a appelé en intervention forcée les constructeurs et leurs assureurs. En cause : un retard de livraison et des désordres affectant le nouveau parquet invoqué par les acquéreurs.

Le maître d’ouvrage cherche en effet à bénéficier de la garantie de parfait achèvement par condamnation de l’entrepreneur et son assureur. Toutefois, la Cour d’appel de Versailles rejette ses demandes.

Les juges d’appel constatent d’abord que le maître d’ouvrage ne justifie pas avoir notifié à l’entrepreneur des réserves relatives aux désordres affectant le parquet. Le premier moyen conteste cette analyse en arguant que l'assignation délivrée à l’entrepreneur le 24 juillet 2015 vaut notification à son destinataire des prétentions qui y sont formulées. Ainsi, l’action en justice exercée dans un an suivant la réception de l'ouvrage permet, selon le maître d’ouvrage, d’actionner la garantie de parfait achèvement.

Par le deuxième moyen, le maître d’ouvrage fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur et, plus précisément, de ne pas retenir son manquement aux devoirs d'information et de conseil.

En ce qui concerne le premier moyen, la Cour de cassation approuve le raisonnement des juges d’appel ayant « retenu à bon droit qu'en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an prévu à l'article 1792-6 du Code civil, ne peut suppléer, les demandes indemnitaires du maître de l'ouvrage fondées sur la garantie de parfait achèvement ne pouvaient être accueillies ».

Toutefois, le moyen tiré du manquement de l’entrepreneur à son devoir d'information et de conseil prospère devant la Cour. L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article 1147 du Code civil (dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016). Après avoir rappelé le contenu dudit article, la Cour de cassation aurait dû rechercher « si la société SMS n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil sur le parquet choisi au regard de l'usage auquel il était destiné », après avoir elle-même constaté que ledit « parquet, comme celui qui avait été remplacé, se dégradait anormalement vite et était inadapté aux lieux de vie considérés ».

Éléments d’analyse

La solution donnée aux prétentions développées par le premier moyen du pourvoi est conforme tant à la loi qu’à son esprit.

En effet, l'article 1792-6 du Code civil, dans son alinéa 2, est formel : « la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ». Cet article, créé par la loi Spinetta, exige donc qu’une notification écrite soit adressée à l’entrepreneur pour les désordres révélés postérieurement à la réception. Pour autant, est-il possible que ladite notification puisse prendre une forme d’une assignation comme le prétendait le maître d’ouvrage ? En répondant par la négative, la Cour de cassation privilégie la lecture littérale de l’article et conforte l’un des objectifs de la loi, notamment celui de la diminution du contentieux. Ainsi, une assignation en justice ne vaut pas la notification à son destinataire des prétentions qui y sont formulées et cela même si elle est envoyée dans un délai de un an à compter de la réception des travaux.  

Néanmoins, l’arrêt de la cour d’appel est cassé en ce qu’il refuse de reconnaître la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur. Le refus de reconnaître le manquement à son devoir de conseil et d’information est justifié par les juges d’appel car « le choix du modèle du parquet était le fait exclusif du maître de l'ouvrage et qu'aucun défaut de pose ou d'exécution n'était imputable à celle-ci ». Pour mémoire, il est admis de longue date que la garantie de parfait achèvement se combine avec la responsabilité contractuelle de droit commun (Cass. 3e civ., 22 mars 1995, n° 93-15.233). Dans cette décision précisément, la Cour de cassation a admis que « la garantie de parfait achèvement due par l'entrepreneur concerné n'excluait pas l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée ». Dans notre espèce, l’inadaptation du parquet était flagrante en ce qu’il se dégradait anormalement vite de sorte que le manquement de l’entrepreneur ne faisait nul doute et qu’importe que « le choix du modèle du parquet est le fait exclusif du maître d’ouvrage, qui donne une définition très précise du modèle retenu que l'attributaire du lot, la société SMS, devra poser ».

L’arrêt présent sert donc de rappel, tant au maître d’ouvrage qu’à l’entrepreneur, des dispositions du Code civil. Au premier, en ce qu’une assignation ne vaut pas une notification, même délivrée avant l'expiration du délai de un an prévu à l'article 1792-6 dudit code. À l’entrepreneur ensuite, en ce que ce dernier est bien le tributaire des obligations contractuelles de conseil et d’information, même si le choix du modèle d’un lot, qui s’est avéré inadapté, est le fait exclusif du maître d’ouvrage.
Source : Actualités du droit