La semaine du droit de la famille

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20/01/2020
Civil - Personnes et famille/patrimoine

Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la famille, la semaine du 13 janvier 2020.
Juge des tutelles – mandataire judiciaire – indemnité exceptionnelle
« Vu les articles 419 et 443 du Code civil, ensemble l'article L. 221-9 du Code de l'organisation judiciaire ;
Il résulte de la combinaison de ces textes que le juge des tutelles est seul compétent pour allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs une indemnité exceptionnelle au titre des actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes ; que cette compétence ne s'éteint pas au décès de la personne protégée ;
Selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 28 mai 2015 a placé X sous curatelle renforcée pour une durée de soixante mois, Madame Y, sa fille, étant désignée en qualité de curatrice et Madame Z, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de curatrice adjointe ; qu'un jugement du 24 juin 2016 a transformé la mesure en tutelle, Madame Y étant désignée en qualité de tutrice et Madame Z en qualité de tutrice adjointe ; que, par requête du 22 juin 2017, celle-ci a demandé une indemnité exceptionnelle au titre des diligences accomplies depuis le 28 mai 2015 ; que X est décédé le 13 juillet 2017 ;
Pour rejeter la demande présentée par la mandataire judiciaire à la protection des majeurs, l'arrêt retient que le juge des tutelles n'est plus compétent en raison du décès du majeur protégé, de sorte qu'il appartenait à Madame Z de faire valoir sa créance auprès de la succession et, en cas de litige, auprès de la juridiction de droit commun »
Cass. 1re., 15 janv. 2020, n° 18-22.503, P+B+I*


Juge des enfants – droits de visite et d’hébergement
« Selon l'arrêt attaqué, qu'un juge des enfants a ordonné le placement à l'aide sociale à l'enfance de X et Y, nés respectivement les 29 mars 2005 et 16 mars 2008, et accordé un droit de visite libre et un droit de visite médiatisé à leur mère, Madame Z
(…) Vu l'article 375-7, alinéas 4 et 5, du Code civil ;
Le juge des enfants fixe la nature et la fréquence des droits de visite et d'hébergement et peut décider que leurs conditions d'exercice sont déterminées conjointement entre les titulaires de l'autorité parentale et la personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant est confié ;
L'arrêt accorde à la mère des enfants un droit de visite libre dont les modalités seront fixées en concertation entre celle-ci et le service auquel les enfants sont confiés ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de définir la périodicité du droit de visite simple, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé »
Cass. 1re., 15 janv. 2020, n° 18-25.313, P+B+I*


Juge des enfants – droits de visite – présence d’un tiers
« Vu l'article 375-7, alinéa 4, du Code civil, ensemble l'article 1199-3 du Code de procédure civile ;
Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque le juge des enfants décide que le droit de visite du ou des parents de l’enfant confié à une personne ou un établissement ne peut être exercé qu'en présence d'un tiers, il en fixe la fréquence dans sa décision, sauf à ce que, sous son contrôle, les conditions d'exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant est confié ;
Selon l'arrêt attaqué, qu'un juge des enfants a ordonné le placement à l'aide sociale à l'enfance de X et Y, nés respectivement les 3 janvier 2009 et 10 mars 2010 ;
L'arrêt accorde à chacun des parents un droit de visite médiatisé qui s’exercera sous le contrôle du service gardien, sauf à en référer au juge en cas de difficultés ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de définir la périodicité du droit de visite accordé, ou de s’en remettre, sous son contrôle, à une détermination conjointe des conditions d’exercice de ce droit entre les parents et le service à qui les enfants étaient confiés, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés »
Cass. 1re., 15 janv. 2020, n° 18-25.894, P+B+I*

Adoption – fraude à la loi
« Selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 juin 2016, no 15-18.742), que Madame Y et Monsieur X, ont formé tierce opposition au jugement du 10 janvier 2007 accordant l'exequatur en France à un jugement rendu le 11 juillet 2006 par le tribunal d'Eseka (Cameroun) prononçant l'adoption de Mmes Z et A par
X, décédé depuis ;
 (…) Vu l'article 34 de l'Accord de coopération en matière de justice du 21 février 1974 entre la France et le Cameroun ;
L'arrêt retient que la fraude à la loi ne peut résulter de la seule abstention de l'adoptant d'indiquer qu'il était marié et que le consentement de son épouse était nécessaire ou qu'il n'avait pas obtenu l'agrément requis ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le seul but poursuivi par X n'était pas de favoriser la naturalisation ou le maintien sur le territoire national de sa concubine, mère des adoptées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »
Cass. 1re., 15 janv. 2020, n° 18-24.261, P+B+I*

Curatelle – action en nullité pour insanité d’esprit
« Vu les articles 414-1, 414-2, 3o, et 466 du Code civil ;
Selon l’arrêt attaqué, que X a souscrit un contrat d’assurance sur la vie le 12 février 2005 auprès de la société CNP assurances ; qu’il a signé un premier avenant modifiant la clause bénéficiaire le 17 juin 2010 ; que, par décision du 9 novembre 2010, il a été placé sous le régime de la curatelle simple, puis, par décision du 8 janvier 2012, sous le régime de la curatelle renforcée ; que, le 15 septembre 2014, il a, avec l’assistance de son curateur, signé un second avenant modificatif au contrat d’assurance sur la vie, désignant Madame Y et A; qu’à la suite de son décès, survenu le 28 décembre 2014, sa veuve,
Madame Z, a agi en nullité pour insanité d’esprit du premier avenant ; que A étant décédé en cours d’instance, son épouse et ses quatre enfants sont venus à ses droits ; que le tribunal a prononcé la nullité de l’avenant du 17 juin 2010 et déclaré valable celui du 15 septembre 2014 ; qu’en cause d’appel, Madame Z a sollicité l’annulation de ce second avenant ;
Pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que X a demandé à modifier la clause bénéficiaire du contrat par l’intermédiaire de son curateur, cette demande étant datée et signée par ce dernier ; qu’il ajoute que, dans la mesure où il appartenait au curateur de s’assurer tant de la volonté de X que de l’adéquation de sa demande avec la protection de ses intérêts et où il n’est justifié d’aucun manquement du curateur à ses obligations, il y a lieu de juger l’avenant valide ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le respect des dispositions relatives à la régularité des actes accomplis par une personne placée sous le régime de curatelle ne fait pas obstacle à l’action en nullité pour insanité d’esprit, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter l’existence du trouble mental de X au moment de la conclusion du contrat d’assurance sur la vie litigieux, alléguée par Madame Z, a violé les textes susvisés »
Cass. 1re., 15 janv. 2020, n° 18-26.683, P+B+I*

 Exequatur – adoption
« Madame X, née le 31 décembre 1978 à Bali-Nyonga (Cameroun), qui a acquis la nationalité française par naturalisation le 3 février 2012, a assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes le 3 juin 2014 aux fins d’exequatur du jugement du tribunal de grande instance de Mezam (Cameroun) du 26 juillet 2012, qui a prononcé l’adoption par elle du mineur Y né le 12 décembre 1994, à Bamenda (Cameroun).
(…) Vu l’article 34 f) de l’Accord de coopération en matière de justice du 21 février 1974 entre la France et le Cameroun, ensemble l’article 370-3, alinéa 1er, du Code civil et l’article 343-1, alinéa 1er, du même code :
Selon le premier de ces textes, en matière civile, sociale ou commerciale, une décision contentieuse ou gracieuse rendue par une juridiction siégeant en France ou au Cameroun est reconnue de plein droit sur le territoire de l’autre Etat si elle ne contient rien de contraire à l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat.
L’exequatur ne peut être refusé pour la seule raison que la juridiction d’origine a appliqué une loi autre que celle qui aurait été applicable d’après les règles de conflit de l’Etat requis, sauf en ce qui concerne l’état ou la capacité des personnes. Dans ces derniers cas, l’exequatur ne peut être refusé si l’application de la loi désignée par ces règles eût abouti au même résultat.
Selon le deuxième, les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, à la loi qui régit les effets de leur union.
Selon le troisième, l’adoption peut être demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans.
Il résulte du premier de ces textes que, si l’exequatur peut être refusé, en matière d’état des personnes, au motif que la juridiction d’origine a appliqué une loi autre que celle qui aurait été applicable d’après les règles de conflit de l’Etat requis, c’est à la condition que l’application de la loi désignée par ces règles n’eût pas abouti au même résultat.
Pour refuser d’accorder l’exequatur au jugement d’adoption du tribunal de grande instance de Mezam (Cameroun) du 26 juillet 2012, l’arrêt retient que Madame X était âgée de trente-trois ans lors du prononcé du jugement, ce que ne permettait pas la loi camerounaise, qui n’autorise l’adoption que pour des adoptants âgés de plus de quarante ans.
En statuant ainsi, alors le tribunal de grande instance de Mezam, bien qu’ayant appliqué la loi camerounaise, était parvenu, au nom de l’intérêt de l’enfant, au même résultat que s’il avait appliqué la loi française désignée par la règle de conflit, laquelle autorise l’adoption par des personnes de plus de vingt-huit ans, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
Cass. 1re., 15 janv. 2020, n° 18-25.574, P+B+I*
 
  
Filiation – possession d’état
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2018), les 2 juillet et 28 août 2015, Madame X a assigné Madame Y, née le 17 mai 1966 à Adzopé (Côte d'Ivoire), et Madame Y, né le 26 mai 1968 à Adzopé (les consorts Y) devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir juger qu'elle n'est pas leur mère et, avant dire droit, ordonner une expertise biologique afin d’établir l'absence de lien de filiation
(…) En premier lieu, selon l’article 333, alinéa 2, du Code civil, nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement.
Selon l’article 2234 du même code, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Le premier de ces textes édicte un délai de forclusion (1re Civ.,1er février 2017, pourvoi no 15-27.245, Bull. 2017, I, no 35), qui n’est pas susceptible de suspension en application du second, lequel ne vise que les délais de prescription. Il résulte en effet de l’article 2220 du code civil que les délais de forclusion ne sont pas régis par le titre XXe du livre III du Code civil sur la prescription extinctive, sauf dispositions légales contraires.
La cour d’appel, qui a fait application de l’article 333, alinéa 2, n’était donc pas tenue de s’interroger sur une éventuelle impossibilité d’agir de Madame X, par suite d’un empêchement.
En second lieu, la cour d’appel, après avoir relevé que Madame X ne rapportait pas la preuve que le jugement de divorce du 10 décembre 1982 était faux, a souverainement estimé, sans être tenue de suivre celle-ci dans le détail de son argumentation, qu’il résultait de l’ensemble des éléments soumis à son examen que l’intéressée avait traité les consorts Y comme ses enfants et qu'ils s’étaient comportés comme tels, qu'elle avait pourvu à leur éducation et à leur entretien, qu'ils étaient reconnus par la société et par la famille comme ses enfants, qu'ils étaient considérés comme tels par l'autorité publique, caractérisant ainsi une possession d'état publique, paisible et non équivoque, conforme à leurs titres, d'une durée d'au moins cinq ans.
Elle en a exactement déduit que Madame X était irrecevable en son action en contestation de maternité.
Le moyen qui, en sa troisième branche, critique des motifs surabondants, n’est donc pas fondé »
Cass. 1re., 15 janv. 2020, n° 19-12.348, P+B+I*


*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 20 février 2020
 
 
Source : Actualités du droit