Bioéthique : le Sénat remanie largement le projet de loi

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04/02/2020
Civil - Personnes et famille/patrimoine

Le mardi 4 février 2020, les sénateurs ont adopté de justesse, en première lecture, le projet de loi relatif à la bioéthique par 153 voix contre 143. Focus sur les articles 1, 4, 4 bis et 6.
Tout s’est joué à 10 voix près. Un faible écart qui contraste avec le vote du texte en première lecture à l’Assemblée nationale. Sur les 545 votants, 359 s’étaient prononcés favorablement (v. Bioéthique : texte adopté en première lecture, Actualités du droit, 16 oct. 2019).

 
À l’instar de l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté la mesure phare de ce texte : l’extension de l’aide médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes non mariées. Une technique réservée jusqu’alors aux seuls couples hétérosexuels.
 
Restriction de la conservation des gamètes
Rappelant le principe de non-marchandisation du corps humain, le Sénat a entendu limiter la conservation des embryons destinés à être accueillis aux seuls établissement publics ou privés à but non lucratif (TA Sénat n° 238, 2019-2020, art. 1, amendement n° 40).  
 
Rétablissement de l’interdiction du double don de gamètes
L’Assemblée nationale avait levé l’interdiction du double don de gamètes prévue par article L. 2141-3 du Code de la santé publique. Un choix salué par l’étude d’impact qui précisait que « les donneurs de gamètes sont plus jeunes que les donneurs d’embryons (même si des limites d’âge parental sont fixées pour ceux-ci dans l’arrêté du 30 juin 2017 modifié relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation) et surtout sans problème connu d’infertilité qui pourrait être à l’origine de risques potentiels de complications obstétricales ou périnatales pour les receveurs ».
Contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat se montre favorable au maintien de cette interdiction (TA Sénat n° 238, 2019-2020, art. 1, amendement n° 125).  

Modification de l’établissement de la filiation d’un enfant issu d’une PMA
Pour rappel, l’article 4 tel que voté par l’Assemblée nationale prévoyait une filiation par déclaration de volonté pour l’ensemble des couples ayant recours à l’AMP. D'après ce texte, l’établissement de la filiation devrait s’établir au moyen d’une déclaration commune anticipée faite devant notaire. Une conception de la filiation avec laquelle les sénateurs ont pris leur distance : « l’introduction d’un critère de volonté pure risque, à terme, de rendre le critère de la vraisemblance biologique caduque et de fragiliser tout le système français de filiation ».

Un amendement est donc venu retoucher ce texte (TA Sénat n° 238, 2019-2020, art. 1, amendement n° 333).  

Cet amendement poursuit trois objectifs :
– insérer un nouvel article au sein du titre VII du livre Ier du Code civil, dont l’objet est d’interdire explicitement l’établissement de deux filiations maternelles ou paternelles à l’égard d’un même enfant ;
– créer un nouveau titre VII bis au sein du livre Ier du Code civil, regroupant les dispositions qui s’appliquent à la filiation en cas de recours à une AMP avec donneur ;
– modifier les conditions requises dans le but de permettre l’adoption de l’enfant issu d’une AMP par la mère d’intention.
 
L’interdiction de la GPA confortée
La commission spéciale sur la bioéthique du Sénat a fait le choix d’introduire un article 4 bis prévoyant que « Tout acte de l’état civil ou jugement étranger, à l’exception des jugements d’adoption, établissant la filiation d’un enfant né à l’issue d’une convention de gestation pour le compte d’autrui ne peut être transcrit sur les registres en ce qu’il mentionne comme mère une femme autre que celle qui a accouché ou lorsqu’il mentionne deux pères ». Il est toutefois précisé que ce texte ne fait pas obstacle à la transcription de jugements d’adoption étrangers (TA Sénat n° 238, 2019-2020, art. 4 bis, amendement n° 333).
 
Prélèvement de cellules souches hématopoïétiques par un mineur ou un majeur protégé
Pour rappel, les cellules souches hématopoïétiques « sont des cellules pluripotentes qui ont la capacité de se multiplier puis de se différencier en lignées cellulaires » (v. Bioéthique : texte adopté en première lecture, Actualités du droit, 16 oct. 2019).

Ce prélèvement est en principe interdit aux mineurs et majeurs protégés. Toutefois, il est autorisé, en l’absence d’autre solution thérapeutique, au bénéfice du frère ou de la sœur, et à titre exceptionnel, au profit des cousins germains, oncles, tantes, neveux et nièces (Code de la santé publique, art. L.1241-3 et L. 1241-4).

Dans sa version votée à l’Assemblée nationale, l’article 6 a étendu la liste des bénéficiaires au père ainsi qu’à la mère du donneur. Le Sénat est allé plus loin, en ajoutant les enfants à cette liste (TA Sénat n° 238, 2019-2020, art. 6, amendement n° 309).
 
Rare texte à ne pas être examiné en procédure accélérée, le projet de loi relatif à la bioéthique repart en seconde lecture à l’Assemblée nationale.
Source : Actualités du droit