La nouvelle donne fiscale de l’adoption simple et ses incidences sur les transmissions entre vifs

Image  Par Maxime OLLU, Master 2 Droit du patrimoine professionnel
12/09/2016
Civil - Personnes et famille/patrimoine

Rédigé sous la direction de Diane BRUNET-COURTOIS, associée fondatrice - Deus Patrimoine
En partenariat avec le Master 2 Droit du patrimoine professionnel (223), Université Paris-Dauphine


La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, entrée en vigueur le 16 mars 2016, a consacré un assouplissement fiscal pour les adoptés simples. L’article 36 de la loi modifie l’article 786 du Code général des impôts (CGI) permettant aux adoptés simples de jouir, sous certaines conditions, des tarifs en ligne directe pour les droits de succession.
L’adoption simple permet la création d’un nouveau lien de parenté entre l'adoptant et l'adopté tout en conservant celui qui préexiste entre l’enfant adopté et sa famille d’origine.
 

Un principe inchangé : l’adopté simple considéré fiscalement comme un tiers


Le premier alinéa de l’article 786 du CGI soumet à l’imposition les biens reçus par les adoptés simples de l’adoptant selon le tarif des droits de mutation à titre gratuit entre personnes non parentes : 60 % de droits après application d’un abattement de 1 594 € (CGI, art. 788).
Plusieurs exceptions étaient prévues par l’article 786 du CGI afin d’éviter une application systématique de ces droits très élevés. La loi du 14 mars 2016 a introduit plus de souplesse.
 

Abandon de conditions pour l’adopté simple mineur


Antérieurement, l’adopté simple mineur devait avoir reçu de l’adoptant et pendant au moins 5 ans, des secours et des soins ininterrompus (CGI, art. 786 1°, anc.) pour bénéficier des tarifs des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe (CGI, art. 777).
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 mars, cette condition n’est plus requise. Désormais, dès lors que l’adopté simple est mineur au moment du décès de l’adoptant, les droits de mutation à titre gratuit en ligne directe sont appliqués d’office (CGI, art. 786 3°) : un abattement de 100 000 euros s'impute sur la valeur des biens hérités, avant application d’un barème progressif par tranches (de 5 % à 45 %).

Assouplissement des conditions pour l’adopté simple majeur


Préalablement à l’entrée en vigueur de la loi, l’adopté simple majeur pouvait bénéficier du tarif en ligne directe uniquement s’il était prouvé que ce dernier avait reçu de la part de l’adoptant des secours et soins ininterrompus, soit pendant 5 ans dans sa minorité, soit pendant 10 ans dans sa majorité.
La preuve des secours et soins non interrompus était difficile à rapporter du fait de l’absence de définition de ces critères. La Cour de cassation a cependant précisé que « la notion de secours et de soins ininterrompus n'impose pas une prise en charge exclusive, mais seulement continue et principale, de l'adopté simple par l'adoptant » (Cass. com., 6 mai 2014, n° 12-21.835).
La loi du 14 mars 2016 vient consacrer cette jurisprudence en insérant au 3° bis de l’article 786 du CGI que les secours et soins non interrompus s’entendent par une « prise en charge continue et principale ».
Comment se traduit, de façon matérielle, une « prise en charge continue et principale » ? Il n’est pas nécessaire que la prise en charge soit exclusive, celle-ci doit être récurrente et peut se matérialiser par le paiement des dépenses quotidiennes, des frais de santé, de scolarité, de vacances…
L’administration fiscale précise la forme de la preuve qui « doit être fournie dans les formes compatibles avec la procédure écrite au moyen de documents tels que quittances, factures, lettres missives et papiers domestiques » (BOI-ENR-DMTG-10-50-90-20150624). L’appréciation des éléments de preuve est examinée librement par l’administration.
 

Mesure transitoire


La loi du 14 mars 2016 a prévu la situation des droits de succession dus après le 16 mars 2016 dont le fait générateur est antérieur à la date d’entrée en vigueur du nouvel article 786 du CGI. Sur demande du contribuable, l’administration procèdera à la remise des droits restés impayés « pour la partie qui excède les droits qui auraient été dus » si les nouvelles dispositions de l’article 786 du CGI « avaient été en vigueur à la date du fait générateur » (L. n° 2016-297, 14 mars 2016, art. 36).
 
 

     > À LIRE AUSSI : dossier spécial patrimoine 2016
 


De nouvelles mesures restreintes aux seuls cas de succession


Les nouvelles dispositions, mentionnées précédemment, de l’article 786 3° et 3°bis du CGI n’accordent le bénéfice de l’application des droits de mutation en ligne directe qu’aux seules transmissions par décès. L’article vise uniquement les cas « d'adoptés mineurs au moment du décès de l'adoptant » et « d'adoptés majeurs au moment du décès de l'adoptant ».
Il apparaît que les cas de donation sont exclus, le tarif entre personnes non parentes serait applicable (60 % de droits).
Le nouvel article 786 du CGI devient plus restrictif que sa version antérieure qui accordait le tarif en ligne directe des droits de mutation aussi bien aux donations qu’aux successions, dès lors que l’adopté avait reçu pendant sa minorité et pendant au moins 5 ans, ou pendant sa minorité et sa majorité et pendant au moins 10 ans des secours et soins non interrompus de l’adoptant.
Il serait bienvenu que l’administration fiscale se prononce sur ce point et y apporte une mesure de tolérance afin de faciliter les transmissions du vivant entre adopté simple et adoptant.
 

La problématique des donations partages antérieures


Le nouvel article 786 du CGI ne s’appliquant qu’aux successions, certaines dispositions déjà prises par l’adoptant peuvent subir des complications.
Dans le cas où une donation partage aurait été consentie antérieurement à l’adoption simple en faveur des descendants de l’adoptant. L’adopté simple, qualifié d’héritier réservataire (C. civ., art. 368), ne serait pas alloti par cette libéralité dont l’essence est l’allotissement de tous les héritiers réservataires.
Deux scénarios sont alors envisageables : soit il est procédé à une révision de la donation partage en allotissant l’adopté simple, soit la donation partage n’est pas révisée.
— dans le premier cas, l’allotissement de l’adopté simple, nécessaire pour l’efficacité de la donation partage (C. civ., art. 1078), sera fiscalement très couteux : le tarif en ligne directe ne s’appliquant pas aux donations faites en faveur des adoptés simples (pour les cas du 3° et 3°bis de l’article 786 du CGI) ;
— dans le second cas, l’adopté simple ne serait pas alloti. Les biens donnés antérieurement ne seront alors plus évalués au jour de la donation partage, mais au jour du décès pour l’imputation et le calcul de la réserve. Les donations seront davantage susceptibles d’être réduites.
 
L’adoptant se trouvera dans une situation peu confortable : conserver les avantages de la donation partage au prix d’une taxation importante sur la donation de l’adopté simple, ou perdre le bénéfice de l’article 1078 du Code civil.
Une solution reste envisageable : l’allotissement inégalitaire de l’adopté simple. Encore faut-il que cette inégalité soit acceptée par ce dernier.

La réforme de l’article 786 du CGI a certes simplifié certaines conditions permettant l’application du tarif en ligne directe des droits de succession, mais a créé de nouvelles problématiques sur les transmissions entre vifs.
 
Source : Actualités du droit